Zoom sur 4 matériaux réemployés à l’antiquité et au moyen âge

Pour les constructeurs de l’antiquité et du moyen-âge, réemployer des matériaux ou des déblais n’était pas un acte engagé mais un geste habituel et anodin, reflétant ainsi les contraintes économiques de l’époque. Les modes de construction traditionnels basés sur des matériaux simples et peu transformés facilitaient la démarche. Cette pratique s’est manifestée comme suit :

  • Déconstruction et récupération : Lorsque des structures anciennes étaient démolies, les matériaux de construction étaient souvent soigneusement démontés et récupérés, réduisant ainsi les coûts de production et de transport.
  • Adaptation des matériaux : Les matériaux récupérés étaient souvent adaptés à de nouveaux usages. Par exemple, les pierres provenant de structures démolies étaient taillées et réutilisées dans la construction de murs, de fondations ou même de routes. Les briques pouvaient être nettoyées et réutilisées dans la construction de nouveaux bâtiments.

Remarque : Le réemploi des matériaux de construction était également motivé par le désir de préserver le patrimoine architectural. En réutilisant des matériaux historiques, les constructeurs pouvaient maintenir la continuité esthétique et culturelle des communautés locales.

Parmi les matériaux les plus réemployés à l’époque : le bois, le marbre, la pierre….


La pierre dorée

Le réemploi de la pierre dorée, également connue sous le nom de pierre de Couzon ou de pierre de Villebois, est une pratique courante dans la construction et la rénovation de bâtiments dans les régions où cette pierre est abondante, comme en France.

Elle a beaucoup été réutilisée dans la construction de nouveaux bâtiments assurant ainsi une harmonie avec l’environnement architectural existant. En France, de nombreux châteaux et manoirs sont construits en pierre dorée. Lors de leur restauration, les artisans récupèrent souvent des blocs de pierre dorée des parties endommagées ou démolies pour les réutiliser dans la reconstruction, préservant ainsi l’aspect historique et l’intégrité architecturale de ces structures emblématiques.

Château de Bagnols

Ce château médiéval du XIIIe siècle est situé dans la région du Beaujolais, classé monument historique.

Lors de sa restauration dans les années 1980, les artisans ont récupéré et réutilisé des blocs de pierre dorée de la région pour reconstruire et restaurer les murs, les tours et les éléments architecturaux du château, tout en respectant les techniques de construction médiévales.

Cette approche de réemploi de la pierre dorée a permis de préserver l’aspect historique et l’authenticité du Château de Bagnols et a fait de lui un bel exemple de préservation du patrimoine architectural français.

Kent Johnson

Et aujourd’hui… la maison Canque

Minéka

Ne convenant plus aux besoins de l’association qui l’occupe, la SERL a été missionné pour sa démolir la maison Canque, une maison en pierre dorée de Villefranche sur Saone.
Le diagnostic ressources réalisé par Minéka a identifié de nombreux éléments à caractère patrimonial dans ce bâtiment, notamment les pierre dorée qui ont pu être déposées et réemployée dans le parc attenant pour la construction d’une Cadole !


Le marbre


Le marbre était un matériau précieux et recherché dans l’Antiquité et au Moyen Âge en raison de sa beauté, de sa durabilité, son abondance dans les sites en ruines et de sa capacité à être transformé, et poli. Le réemploi du marbre était une pratique courante dans ces périodes, reflétant à la fois la valeur accordée à ce matériau et les efforts pour valoriser cette ressource.

Lorsque des bâtiments anciens étaient démolis ou endommagés, les éléments en marbre tels que les dalles, les blocs, les colonnes et les chapiteaux étaient souvent récupérés.

Ces derniers étaient souvent utilisés pour créer des revêtements de sol, des revêtements muraux et des éléments de décoration intérieure dans les maisons, les palais et les bâtiments publics. Le marbre de récupération a également servi aux artisans pour sculpter des œuvres d’art, des statues et des objets décoratifs.

Véronique Dauge

Le Temple de Jupiter Baalbek

Temple romain dédié à Jupiter, il a été construit au 1er siècle de notre ère. Au fil du temps, des tremblements de terre ont endommagé une partie de la structure. Au Moyen Âge, certains des énormes blocs de marbre provenant des ruines ont été réutilisés dans la construction de fortifications et de mosquées à proximité, témoignant de l’ingéniosité et de la récupération des matériaux dans la région.


Le verre

Le réemploi de vitraux était une pratique qui s’est développée au cours de l’histoire de l’art et de l’architecture, notamment à partir du Moyen Âge. Les vitraux étaient des éléments architecturaux précieux, utilisés pour orner les fenêtres des églises, des cathédrales et des bâtiments religieux, ainsi que des demeures nobles et des bâtiments publics. le réemploi de ces éléments s’est manifesté sous diverses formes:

  • Transfert entre structures religieuses : Lorsque des églises ou des cathédrales étaient reconstruites ou rénovées, les vitraux anciens pouvaient être récupérés et réutilisés dans les nouvelles structures.
  • Réutilisation dans des œuvres d’art : Les fragments de vitraux endommagés ou récupérés pouvaient être utilisés dans la création de nouvelles œuvres d’art, telles que des panneaux décoratifs, des tableaux ou des objets artisanaux. Les artistes et les artisans étaient souvent habiles à intégrer ces fragments dans de nouvelles compositions artistiques, ajoutant ainsi une profondeur historique à leurs créations.

Cathédrale Notre-Dame de Chartres

Au 13ème siècle, la cathédrale de Chartres a été reconstruite dans le style gothique après un incendie. Certains vitraux romans de l’église précédente ont été réutilisés dans la nouvelle structure gothique. Ces vitraux médiévaux sont toujours présents dans la cathédrale et sont considérés comme l’un des plus beaux ensembles de vitraux du monde.

patrimoine-histoire.fr

Et aujourd’hui… l’Eglise Jeanne d’Arc

patrimoine-histoire.fr

Provenant à l’origine de l’ancienne église Saint Vincent qui a été détruite pendant la guerre. Les vitraux ont été démontés, protégés pendant la seconde guerre mondiale et ensuite réintégrés en 1979 lors de la construction de la nouvelle église Jeanne d’Arc à Rouen.


Le bois

Le bois était une ressource vitale et largement disponible : utilisé dans la construction, la navigation, la fabrication d’outils, le chauffage, et bien d’autres aspects de la vie quotidienne. En conséquence, il était courant de réutiliser et de réemployer le bois autant que possible, que ce soit en réparant et en rénovant des structures existantes ou en récupérant du bois provenant de bâtiments démolis pour l’utiliser dans de nouveaux projets.

Bien que des exemples spécifiques de réemploi du bois dans l’Antiquité et au Moyen Âge puissent être moins documentés ou moins spectaculaires que d’autres matériaux, la pratique elle-même témoigne de l’importance du réemploi au quotidien et dans l’artisanat sur ces périodes historiques.

Et aujourd’hui… L’Obervédère

collectifetc.com / Kim

L’Obervédère en Alsace a été conçu à partir de colombage provenant d’une ancienne maison de journalier démontée depuis 2006 qui sommeillait dans les entrepôts de l’Ecomusée d’Alsace. Un réel travail de relevé, de nettoyage et de diagnostic des bois a été effectué. ils ont été par la suite triés, sélectionnés puis retravaillés.


Le saviez-vous ?

A partir du moyen âge et jusqu’à la fin du 18ème siècle, lorsque les bâtiments étaient transformés ou déconstruits, des affiches étaient distribuées partout aux alentours du chantier pour informer d’une vente publique des éléments du chantier. Ces matériaux étaient alors réutilisés dans un chantier, sur un périmètre proche. Cette vente publique concernait autant les gros constructeurs de l’époque que des petits artisans.

Au milieu du 19ème siècle, ce sont les pouvoirs publics qui organisaient la démolition des bâtiments en mettant en place des appels d’offres. Les démolisseurs qui étaient choisis étaient ceux qui mettaient le plus d’argent possible pour obtenir le chantier. Les matériaux étaient ensuite écoulés à la suite du chantier dans des magasins aux alentours.


En somme, le réemploi des matériaux de construction dans l’Antiquité et au Moyen Âge était une pratique essentielle qui témoignait de la créativité, de la durabilité et de la prudence économique des sociétés de l’époque. Cette approche a laissé un héritage durable, visible dans de nombreux bâtiments historiques qui intègrent des matériaux recyclés et réutilisés de manière harmonieuse.


Où trouver des matériaux de de construction anciens de récupération ?

Le site Opalis propose un annuaire des opérateurs professionnels qui vendent des matériaux de construction issus du démontage d’anciens aménagements ou bâtiments. Outre la fourniture de produits de construction de réemploi, ces acteurs proposent souvent d’autres services : déconstruction, nettoyage, remise à dimension, conseils… Dans beaucoup de cas, s’appuyer sur cette expertise dans le cadre d’un projet permet de concrétiser de façon optimale des ambitions en matière de réemploi.